Eurasie 2010 : Moscou

Nous voici à la gare centrale de Kiev et attendons patiemment notre train.

A l’arrivée de la locomotive diesel, nous repérons les numéros pour atteindre le dernier wagon, seul platskartny attelé après une bonne dizaine de kuppé vides. Le chef de train se tient en embuscade juste avant le dernier wagon afin de proposer « Voulez vous un Kuppé ??, voulez vous un Kuppé où vous ne serez que deux à l’intérieur????? » D’une façon très insistante mais irrésistiblement sympathique ! Yulia commence à négocier pour rigoler, ça commence à 2500 Roubles (68€) et cela finit à 1000 Roubles (25€) par un « Vous voulez aussi ma veste ? Vous savez combien coûte un Kuppé ?!!!!! ». Nous prenons tout de même notre wagon après de multiples « Spassiba » et tordus de rire tant le personnage est rigolo ! Il existe 5 classes en Russie : La 5ème classe est un wagon de train de banlieue muni de bancs en bois, la 4ème classe correspond aux Platskartny, wagon à 54 couchettes non compartimentées, la 3ème classe est le Kuppé, wagon compartimenté de 4 couchettes, la 2nd classe se nomme le SV et est identique à un Kuppé mais avec des compartiments de 2 couchettes, puis viens la classe luxe avec véritable appartement muni d’un lit et d’une douche. A noter qu’il existe, en complément des classes des trains de meilleure qualité nommés « Firm ». Avec le recul et d’après notre récente expérience, la société des chemins de fer tend à ne vendre que des Kuppé car le platskarny, de 50% à 70% moins cher n’est pas rentable bien que le plus largement usité par les voyageurs. Nous avons pu voir des trains entiers de Kuppé vides avec un seul wagon platskart plein à craquer, une personne rencontrée à Moscou travaillant dans une agence de voyage nous a confirmé cette arnaque et diverses personnes rencontrées dans le train nous ont indiqué que la veille une multitude de places en Platskarny étaient disponibles ! C’est tout de même incroyable de monter des mensonges à telle échelle ! Nous rentrons dans notre wagon, sans aucunes lumières (tradition incompréhensible que de rentrer dans un wagon sans rien voir !!) et prenons place dans cette atmosphère mystérieuse où le passager d’en face est éclairé par la veilleuse de secours d’une telle façon qu’il ressemble à un tueur à gage se terrant dans l’ombre ! Une fois le train illuminé et en partance à l’heure exacte (le personnel est payé en fonction du respect des horaires, les étapes sont donc calculés avec de larges marges et il arrive souvent que le train accélère ou ralentisse pour arriver pile à l’heure voir même stopper en pleine nature durant plusieurs heures !) le passager et la jeune passagère d’en face s’avère être des compagnons très agréables avec lesquels nous avons timidement parlé politique et où les avis ont divergé lorsque j’ai entendu : « il vaut mieux une petite dictature qu’une grande démocratie corrompue » !! Nous sommes vraiment différents de cultures et pensées, comme le disait Tutchev « Il ne faut pas essayer de comprendre la Russie par la raison, il faut simplement croire en elle » ! Il est vrai que rien n’est prévisible, tout semble impulsif, la praticité prime sur la beauté, quelque fois kitch, n’oublions pas que tout est multiplié par 33, les distances, les difficultés, les écarts thermiques qui atteignent plus de 80°C, et la légendaire chaleur humaine Russe ! Les Russes sont comme des chocolats « rochers », glacés à l’extérieur mais terriblement craquants et attachants à l’intérieur !
Encore une fois je me suis écarté de notre trajet, nous étions donc dans le train en bonne compagnie de nos voisins d’en face lorsque peu à peu les lumières s’éteignent pour ne laisser place qu’aux ronflements, il est temps de se laver les dents dans l’une des toilettes en bout de wagon. Yulia essaye d’ouvrir désespérément la porte lorsqu’un prêtre Orthodoxe lui conseille « fais donc un signe de croix sur la porte ! », Yulia s’exécute et la porte s’ouvre alors sans difficultés ! Nous passerons la fin de soirée avec Yaroslav, prêtre Orthodoxe extrêmement sympathique (femmes, enfants et pèlerinages, Internet et téléphone portable, longue barbe et chasuble noire) très ouvert sauf sur la religion où la solution pour notre mariage mixte reste une conversion des enfants à l’Orthodoxie ! Notons tout de même qu’il insiste sur le fait que le mariage n’est pas obligatoire, notre union est déjà bénie ! Sa voisine, Vera, artiste organisatrice et expert de la personnalité de Koltchak et voyageuse fut d’une curiosité dévorante concernant notre projet tout en nous conseillant multiples visites à Irkoutsk en Sibérie.
Le train s’arrête tout à coup, les lumières s’allument et une armée de douaniers Ukrainiens pénètrent dans le Wagon, nous sommes à la frontière entre l’Ukraine et la Russie. Tout se déroule rapidement, en silence et sans soucis, nous voici munis de notre premier tampon de sortie ! Le train redémarre et la douane Russe est dans 2 heures, pile après minuit et heureusement, car mon visa commence demain ! Le second contrôle douanier se fit au milieu de la nuit lorsque tout le monde est dans sa couchette, même chose, une armée de douaniers montent à bord munis chacun d’un étrange grimoire et trainant derrière eux un courant d’air de froid intense. La provonitsa (chef de wagon) avait pris le soin de nous distribuer la fameuse carte de migration et de relever les différentes nationalités. J’ai eu l’immense privilège de l’exclusivité d’une superbe douanière habillée de son imposante Chapka et de sa boudinante tenue militaire couleur camouflage d’hiver. Le contrôle de mon passeport durant près de 10 minutes auquel j’étais la star sur les discussions des talkies-walkies : « Il faut le registre des étrangers pour le Français du wagon 9 ». Chaque contrôle de passeport était ponctué d’une double comparaison visuelle entre la photo et notre tête défraîchie par ce réveil brutal ainsi qu’un contrôle des listes noires sur les vieux grimoires ! En tout état de cause, le contrôle fut tout aussi rapide et sans problèmes que le premier.
Apres une nuit dans notre fabuleux Platskarny firm (nous vous le conseillons à 200%, confortable, pousse à la rencontre, bien moins cher et presque aussi agréable !) et un réveil tardif, nous voici à 01h15 de Moscou et faisons la queue devant les toilettes pour un brossage de dents (très) nécessaire ! Le Provonitsa nous ferme la porte à clef devant notre nez, prétextant que nous sommes trop près de la gare et qu’il est à présent trop tard (les toilettes des trains se déversent directement sur les voies (ne restez pas assis lorsque vous tirez la chasse, vous aurez vite les fesses congelées !) et sont naturellement fermées à chaque passage en zone urbaine), Il est gonflé, nous sommes à 01h00 de Moscou et c’est trop tard !!!!!!!!! Sauf que les abrutis c’était nous, nous avions oublié le décalage horaire ! Nos sacs étaient déballés alors que nous entrions en gare, et je peux vous jurer qu’un wagon se vide très vite de ses occupants ! Derniers peut-être mais nous sommes sortis en compagnie de Yaroslav qui nous souhaite une bonne route en nous bénissant en nous remettant une copie d’icône à chacun. A peine arrivés dans la gare que nous cherchons les toilettes et nous mettons en quête de notre légendaire billet de Transsibérien entre Gorkii (Nijny Novgorod ayant gardé son nom ferroviaire soviétique) et Irkoutsk sur les rives du lac Baïkal. Le guide Lonely Planet de 2008 ainsi que nos recherches sur Internet indiquaient un prix moyen en Plaskart de 4000 Roubles (100€) et 10000 Roubles (250€) en Kuppé. Que nenni !!! Même en consultant 3 guichets différents (c’est un sport et un art martial la queue à la Russe, croyez moi !) d’une amabilité inexistante, il s’avère que les places en Plaskart sont épuisées et qu’il ne reste que des Kuppé à 14000 Roubles (350€) !! Dégoûtés nous nous résinières à accepter ce tarif prohibitif (quoiqu’il y a quand même 4692 Km et 4 jours de train !) lorsque la guichetière nous demande si nous voulons les repas, bien évidemment nous refusons mais elle nous répond que c’est obligatoire et inclus dans le prix ! Pourquoi demander alors ?!!?
Nos billets en poches, nous allons faire un petit peu de tourisme sur la Place Rouge en attendant notre train express pour Nijny Novgorod. Bien évidemment, ça fait quatre fois que je me rends sur la place rouge en essayant d’aller voir la momie de Lénine, et ça fait quatre fois que c’est impossible, les mesures policières tombent certaines fois dans le ridicule le plus complet (la dernière fois, moultes portiques servaient sûrement à détecter le pied de biche caché dans le caleçon de celui qui tenterais sur la place la plus surveillée du monde, d’arracher un pavé comme souvenir ! Cette fois toute la place était purement et simplement close pour laisser la place à une manifestation de vieux gâteux munis de drapeaux de l’URSS et d’affiches à l’effigie de Staline et du Ché. Certains ont oublié, malgré l’anniversaire de Staline qui tombe malheureusement pour nous aujourd’hui, que ce dernier a tué bien plus de monde qu’Hitler et qu’une personne sur cinq, rien qu’en Russie est morte des différentes guerres, purges, répressions, déportations et famines lors de la dictature de ce paranoïaque aiguë. Malgré cela nous avons l’extrême déception de découvrir la rénovation de la station de métro Kievskaya mise en l’honneur de Staline.
Bref, après quelques photos de biais au bord de la fameuse place close, nous retournons à la gare afin de prendre notre second train pour Nijny, nous y rencontrons encore une fois un pope (décidément !) mais bien moins marrant que le premier !
Nous arrivons à Nijny où la mère (Tatiana) et la sœur (Macha) de Yulia nous accueillent chaleureusement pour une étape reposante et calorique de 15 jours !
« de 2 »