Si il ne fallait retenir que deux temples sacrés, il y aurait le Potala et sans doute le monastère de Tashilumpo à Shigatse fondé en 1447.
Cet énorme monastère ayant connu jusqu’à 5000 moines (quelques centaines à présent) est la résidence des Panchen Lamas depuis 1642, date à laquelle le 5ème Dalaï lama (réincarnation du bouddha de la compassion et fondateur du Potala) accepta à son tuteur-abbé de Tashilumpo Lobsang Chgyi Gyaltsen, le titre de réincarnation du bouddha Amitabha, créant ainsi la lignée des Panchen Lamas (grand maître érudit). Merci trop gentil, on s’attribuait des titres très modestement à l’époque!
Une petite parenthèse pour expliquer les différentes écoles bouddhiques (eh oui, tout ce petit monde était très loin d’être d’accord!). Des rivalités ancestrales ont toujours maintenu l’équilibre dans le pays et accentué sa perte une seule fois. Nous trouvons donc 5 écoles différentes dont 4 principales :
– L’école des anciens (Nyingmapa) a été fondée par des maîtres Indiens au 8ème siècle autour de Samyé, peu bâtisseur mais grand spécialiste en médecine, méditation et surtout dans l’étude et la traduction du sanskrit des livres sacrés.
– L’école Kadampa, fondée en 982 par le grand érudit Indien Atisha. Il établit dans ses monastères d’études comme celui de Reting au nord de Lhassa, le célibat pour contrecarrer la diffusion du tantrisme (art érotique débridé contrecarrant justement les idées les plus restrictives).
– L’école Guélugpa (bonnets jaunes) fonde en 1409 le monastère de Ganden où les règles monastiques sont strictement respectées. Cet ordre eut une expansion fulgurante en créant près de 140 centres religieux dont Séra et Drépung. C’est de cet ordre qu’est issu le Dalaï-Lama et le Panchen-Lama, éclipsant toutes les autres écoles suite aux véritables guerres de religion. Le concept de non-violence semble être tout récent!
L’école Sakyapa fondée au 13éme siècle est considérée comme la plus intellectuelle de toutes. Elle a détenu le pouvoir sur le Tibet durant cent ans au 14ème siècle appuyée par les empereurs Mongols comme Kubilai Khan qu’ils avaient auparavant convertis.
– Les écoles Kagyüpas (bonnets noirs) sont fondées par Marpa vers 1050 qui c’était rendu 3 fois en Inde en rapportant nombre de textes qu’il traduit et enseigne. Son disciple Milarépa met en pratique ces enseignements basés sur la renonciation et la méditation solitaire. La transmission est orale et cet ordre est à l’origine du rite de la réincarnation adopté ensuite par toutes les autres écoles. On les appelle les bonnets noirs car le second Karmapa s’en est allé visiter Kubilai Khan, fondateur de la dynastie Chinoise des Yuan, emportant avec lui une relique inestimable, un bonnet noir, représentation d’une couronne tissée avec les cheveux de 100 000 saintes. Les monastères sont ceux de Tsurphu et Densathil. Cette école n’est pas considérée comme une des 5 traditions du Tibet car divisée en une multitude de sous-écoles aussi différentes les unes que les autres. Le Bhoutan est par contre de tradition Kagyüpas depuis qu’un maître exilé de force y fondère cet ordre dans ce royaume reculé.
– La cinquième tradition est le Bön de type chamaniste et d’influence Perse. Longtemps rejetée, cette croyance se concentre dans le Kham et dans la région du mont Kailash comme centre du monde, ce dernier étant un haut lieu saint pour les bouddhistes le croyant mont Méru et des hindouistes comme résidence de Shiva.
Les Chinois l’ont bien compris dans leur propagande, pour maintenir de tels temples, les monastères possédaient des territoires immenses, cela ressemblait effectivement à la monarchie mais pas le servage! Les soucis sont apparus lorsque les domaines et richesses du Panchen Lama atteignent ceux du Dalaï Lama. Le 9ème Panchen Lama n’a alors pas hésité, pour une banale histoire de taxes et de privilèges, à faire appel aux Chinois et collaborer pour renverser Lhassa!!!!! Cette attitude a au moins sauvé le monastère de Tashilumpo des ravages Chinois. Son successeur jouât un rôle controversé n’empêchant pas les Chinois à l’envoyer en exil pour 18 ans de rééducation politique. Les Chinois voulurent ensuite l’utiliser (déjà à l’époque!) en essayant de le placer dans le trône du Dalaï Lama du Jokhang à Lhassa en 1987, ce qu’il refusa dans un sursaut tardif provoquant la colère des autorités. En 1989, ce dernier critique ouvertement les actions Chinoises, il mourra 6 jours plus tard dans des conditions mystérieuses…
En 1995, la réincarnation du Panchen Lama est reconnue par le Dalaï-Lama en exil, il est aussitôt placé à l’age de 5 ans avec sa famille en prison, on ne sait si il est encore en vie à ce jour et reste le plus jeune prisonnier politique du monde…
Un Panchen Lama «Chinois» a depuis usurpé le titre afin de tenter un contrôle de religion, il est à ce jour, très loin de son but, peu de Tibétains croient en lui malgré sa photo obligatoire d’ethnie Han bien gras affichée dans tous les temples…
Le «Panchen Lama Chinois» actuel est donc le seul «maître» du Tibet à pouvoir résider dans son monastère de tradition, malgré sa surveillance constante et sa condamnation au mutisme depuis son interview surprise à un journal de Hong-Kong en 2004 pour clamer sa neutralité. En cela, le tourisme est démultiplié à Shigatsé, de longues files d’autobus déversent continuellement leurs lots de touristes Chinois visitant brièvement au pas de course. C’est bien pire que le Potala!
L’architecture est superbe et effectivement un peu trop «pompeuse» pour en faire dégager un parfum de spiritualité.
Les «moines» sont aujourd’hui de simples fonctionnaires veillant à ce que l’on paye la somme astronomique de 180Euros (à chaque salle!!!) si on utilise une caméra… Cet aspect mercantile est choquant dans un lieu si important mais ce n’est rien à côté du racket gouvernementale que font les Chinois sur les prix d’entrées et surtout les importantes donations de tous ces pauvres Tibétains qui semblent ne pas se douter ou prêter d’importance à ce détournement ignoble.
Malgré tout ceci, le lieu ne laisse pas indiffèrent, notamment par son extérieur et son immense mur à Tangka, interdit d’usage depuis. Le plus grand Bouddha de cuivre au monde y loge avec ses 26mètres de hauteur, 11m d’une épaule à l’autre, 1,5m de long pour le petit doigt et des narines dans lesquelles un enfant peut se cacher!! Datant de 1914, il fut érigé à l’aide de 115 tonnes de cuivre et 285Kg d’or (rien que cela!) peut-être pour essayer de conjurer l’invasion des Anglais, qui, craignant une invasion Russe (et une expansion communiste), décident de rentrer par la force depuis l’Inde provoquant l’exil du Dalaï Lama en Mongolie jusqu’en 1909. Connaissant les Anglais, même peste mondiale colonisatrice aux intérêts à simple sens que les Français, ils négocièrent le retrait de Lhassa qu’en l’échange d’établissement de comptoirs commerciaux juteux et de missions politiques. Tout ceci ne les empêchèrent pas d’abandonner purement et simplement le Tibet aux mains des Chinois en 1950.
Pour revenir au monastère, beaucoup de ses salles (en tout cas, celles autorisées à être ouvertes au public et rentables) sont occupées par les stupas-mausolées des différents Panchen Lama. Encore plus que les Dalaï Lamas, les valeurs bouddhiques comme le renoncement et la simplicité absolue ne concernent pas le haut de la pyramide lorsque l’on voit l’extrême richesse des tombes. Le stupa du 10ème Panchen Lama est ainsi constitué de 547Kg d’or (importé par les Chinois de l’époque!) et de 1000 pierres précieuses…
Bref, un monastère déjà culturellement mort (c’est Tibet-Disney !) qui ne laisse pas un souvenir impérissable mais dont la visite laisse ouvert le débat.